Consumérisme de l'amour

le 22/03/2003 à 19h25

En réalité, je suis salement conditionné à penser que je veux et que j’ai besoin d’une copine. Ce qui explique pourquoi je me plains tout le temps d’être seul alors qu’au fond, je ne pense pas avoir spécialement envie, ni spécialement besoin d’une petite amie à temps plein, surtout si j’en suis pas amoureux. Après tout si je désirais vraiment avoir une petite amie je ferais tout mon possible. Procédons à une petite analyse de marché sur le produit Traulever.
- Apparence du produit de base : Euh, pas terrible mais n’agresse néanmoins pas la vue.
- Mise en valeur du produit : Quasi nulle voir inexistante
- Publicité du produit : Site internet. (Coty soit loué !)
- Défauts : Timidité, névrose, esprit contrariant.
- Arguments de vente : Se nettoie facilement, fonctionnel, doux au toucher, lignes ergonomiques.
- Cible visée : Clientèle féminine entre 18 et 20 ans.

Preuve est faite que je ne fais pas grand-chose pour attirer l’œil de la clientèle ciblée. Donc, je me pose la question, est-ce moi qui désire vraiment une petite amie afin de combler mon vide affectif et tout ça, ou bien est-ce que je cherche à atteindre une certaine normalité sociale en me trouvant un individu du sexe approprié (c’est à dire,pour l’instant, opposé) afin que nous procédions à un échange d’amour, de bonheur et de sécrétions salivaires.

Un jour que je me plaignais comme à mon habitude de pas avoir de copine, un type m’a traité de « consumériste de l’amour », et ce sale scout avait raison. Seulement à l’époque, je n’en avais pas conscience. Nous somme perpétuellement influencés. L’exemple le plus flagrant de ce matraquage, ce sont les séries télés, surtout les séries américaines. Dans ces séries, on voit toujours des ados qui ont déjà une copine à 15 ans et forment déjà un couple. Ce sont toujours des beaux ados, mignons en tout points, futur gendre idéal, ou au contraire, le pseudo-rebelle ou la fausse moche qui se font accepter tout ça, et se tape le plus beau coup du collège/lycée, etc. Dans toutes ces séries, ceux qui n’ont pas de copines sont les losers et vice-versa. Dans ces séries, celui qui n’a pas avoir de petit ami n’est qu’un sale asocial ou pire un intellectuel.
Prenez n’importe quelle série télé, tiens au hasard, Julie Lescaut. Dans chaque épisode que je regarde, on viens toujours nous broyer les testicules avec les petits amis des filles de Julie Lescaut. Alors qu’on s’en fout, mais totalement. Dans toutes les séries où il y a des ados, il faut absolument que ces ados aient une moitié, sans quoi ils seront anormaux. Au pire, ceux qui n’ont pas de copines sont catalogués dans la catégorie crétin sympa, gros rigolo, etc. Mais si, souvenez vous de Screetch dans « Sauvé par le gong » ou du binoclard dans « Parker Lewis ne perd jamais ». On ne les voyais jamais avec une fille, ou alors un semi-laideron ridiculisé, et pourtant, il jouait les seconds couteaux sympathiques mais con sur les bords. Le héros , lui, a toujours des filles à la plastique de rêve et à la conversation aussi captivante qu’un disque de Clayderman.

Ainsi, les médias nous assomment avec le fait qu’avoir une copine, c’est total chouette et que si jamais tu as le malheur d’être célibataire alors là, bouh, c’est pas bien. Il y a qu’à voir tous les reportages sur le malheur des célibataires urbains. Mais si, vous voyez bien ce dont je parle, dans ces émissions, on voit tout le temps des célibataires malheureux cherchant désespérément l’âme sœur. Par contre, on y voit jamais une personne qui est célibataire et qui est contente de l’être.
Même les parents et les proches s’y mettent. Combien de fois m’a-t-on demandé des questions « Alors, y’a des filles dans ton lycée ?», « Tu as trouvée une copine dans ta fac ?», voir carrément pour les plus directs « T’as cramé de la meuf à Clermont ? ». La réponse étant la plupart du temps négative. Soit je passe pour un type pas normal puisque je n’ai pas de copine et ne coure pas après, et encore ça c’est au mieux, car certains remettent carrément en cause mon hétérosexualité.

Voilà la preuve que je suis bien conditionné à trouver une petite amie. La société m’y oblige. Si je veux être comme les autres, il me faut absolument une petite amie. Comme si une petite amie, c’était un chien, une nouvelle télé ou le dernier PalmPilot à la mode. On s’en fout de l’aimer, du moment qu’on a une fille avec qui s’afficher.
Comme si on pouvait pas tomber amoureux pour de vrai, comme dans les romans de Martin Page, que ça déboule comme ça sans qu’on s’y attende et que ça soit beau. Saloperie de consumérisme amoureux.

Soundtrack: DJ Krush – Song For John Walker (feat.Anticon)