Le grand renouveau de l’humour pas drôle.

Etant provincial, je suis par bonheur épargné par les spectacles comiques minables que des individus se prétendant humoristes infligent aux parisiens. Jusque là, j’étais préservé, mais c’était sans compter sur l’esprit mesquin de quelques directeurs de boîtes de productions télévisuelles, qui ont du se dire « y’a pas de raisons qu’on soit les seuls à supporter ça ». Grâce à la Fée Télévision, moi aussi, péquenot de province, je vais pouvoir goûter les meilleurs spectacles parisiens. Hélas, je n’aurais que les inconvénients, puisque je ne pourrais pas jeter de canettes à la gueule de l’artiste en hurlant des insultes.

Durant cet été, Jamel a cru bon de lancer le Jamel Comedy Club, une sorte de tremplin pour les humoristes de la génération black blanc beur. Oui, car c’est le concept du truc, de l’humour urbain génération black blanc beur, avec le coté stand-up pour faire américain et par conséquent grave hype. Ce qui aurait peut-être pu être une bonne idée si l’humour était déterminé par la couleur de la peau et le milieu social, ce qui n’est heureusement pas le cas. Ainsi donc, on a pu assister à un défilé de djeunz dont le gimmick était « kikoo je suis de la téci, tavu » ou encore « kikoo je kiffe le coupé-décalé ». Visiblement le stand-up français est au stand-up américain ce que le rap français est au rap américain : un parent pauvre, voire même un parent qui vit sous les ponts. Il y avait des sketches vraiment pathétiques. J’ai le souvenir d’un sketch d’un mec appelé Wahid, dont le début n’était déjà pas amusant du tout mais qui à la fin a fait une tentative d’imitation de gitan, et alors là l’apothéose : on a eu droit a un ramassis de clichés digne d’une fin de banquet de militants UMP comme « le gitan est arnaqueur, vole des poules et mange des hérissons ». Incroyable.
Une des autres scènes que j’ai vu était jouée par un grand black qui parlait comme Michel Leeb quand il imite le Congolais, dont le sujet était ma foi fort osé, d’un politiquement incorrect ravageur : la diarrhée. On pense trop souvent que l’humour c’est un moyen d’exorciser par le rire nos angoisses et nos inquiétudes face à l’absurdité de la vie et de la société. C’est certes vrai, mais c’est également un moyen pour parler sans tabous de nos problèmes intestinaux, et d’autres terribles contrariétés, comme les pantalons trop serrés par exemple.

Soyons quand même un peu honnête, je parle des pires, il y en avait tout de même quelques uns de pas trop mauvais, avec quelques mois de travail, certains arriveront peut-être a pondre des textes plutôt bons et perceront peut-être à force de persévérance. Et puis, si finalement je trouve du bon dans l’équipe de comique de l’émission de Jamel, c’est parce qu’il y a pire. Bien pire.

Probablement parce qu’il ne pouvait plus agresser verbalement ses invités sur France 3, Marc Olivier Fogiel y produit une émission « d’humour » dans le but non avoué d’agresser les hommes de goût, comme moi par exemple. Cette émission lancée à la rentrée s’appelle « Merci de couper vos portables » ou quelque chose comme ça. Ainsi, entre divers sketches d’humoristes confirmés, on a droit aux numéros de petits nouveaux. En fait, je suis tombé sur l’émission par hasard en zappant, et un vieux numéro de Gad Elmaleh m’a fait rester. Mais ce sketch, c’était un peu comme les filles a gros seins qui font de la pub pour un truc, et toi comme un con t’achètes en espérant que tu vas toucher les gros seins, mais non seulement tu les touches pas, mais le truc en question est une belle arnaque. Donc voilà, après le sketch de Gad Elmaleh, il y a eu un « nouveau comique » dont la caractéristique est de jouer le mec méchamment énervé et limite psychopathe. Par exemple, il se met a crier quand il parle et chuchote après. Whaou, ça c’est du jeu de scène. Et donc, son sketch était sur les emballages de disques, des pots de confitures qu’on arrive pas à ouvrir, et cætera. J’étais navré, mais navré… Autant par le jeu de scène que par le texte. On aurait dit un étudiant en théâtre a qui on aurait dit « joue moi la colère en parlant de banalités ».

Mais ce n’était que de la petite bière comparé à ce qui suivait. J’ai ainsi pu voir un type dont j’ai oublié le nom, mais que l’on pourrait aisément décrire comme un sous-Titoff, tant au niveau du physique que de l’esprit, ce qui vous laisse aisément imaginer la teneur du sketch. Le sujet était un mec qui se fait foutre dehors par sa copine parce qu’il n’a pas de travail, et le seul travail qu’il trouve est baby-sitter dans une famille bourgeoise. Je vous passe le gros des détails, mais le spectateur a tout de même eu droit a des blagues sur le caca et aussi une blague téléphonique dont le contenu était, je cite « Monsieur et Madame Etpoilue ont une fille ». Comme vous le voyez, ça rasait les pâquerettes, ça devait même passer dessous.
Je croyais avoir tout vu, je croyais que j’avais subi le dernier affront. Nenni ! L’hallali arrivait sous la forme d’une scène jouée par une effrayante quadragénaire. C’était tellement nul et vulgaire, que je ne sais même pas comment le décrire sans l’être moi-même. En un mot, la femme jouait une scène de dialogue type « ménagère de moins de 50 ans qui parle avec son mari » tout en mimant être prise en levrette, ce qui semblait constituer toute la dramatique humoristique du scénario. Pour tout dire, même Bigard a coté aurait pu passer pour un modèle d’humour subtil et racé. Cette pauvre conne aurait improvisé un petit solo de pets en guise d’interlude que j’en aurais même pas été étonné. Toutefois, ce sketch est une bonne nouvelle pour les féministes de tout bord : oui, la femme peut égaler – voir surpasser – le mâle dans le graveleux, la vacuité et la nullité.
J’ai fini par éteindre ma télé au sketch suivant, qui était un extrait du spectacle d’Arthur, un extrait au nom lyrique et ô combien évocateur : « La pute ». Quand j’ai vu Arthur qui imitait une sorte de mégère, j’ai craqué. Le niveau de bêtise et de médiocrité avait passé le seuil de l’intolérable et j’ai donc éteint la télévision, ce qui aurait du être fait depuis le début de l’émission, je pense.

Dieu merci, dés le lendemain, je suis passé sur les sites de Didier Porte et de François Rollin pour me refaire le moral, et j’ai pu notamment lire un sketch de Didier Porte extrait de son spectacle, que je n’ai toujours pas vu soit dit au passage. C’était drôle et intelligent. Et ça fait du bien, de temps en temps.

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