La Mort de la Phalène
La première fois que jai lu La Mort de la Phalène, jétais dans le train pour Paris. Mais il serait bon avant tout de vous faire comprendre ce dont il retourne : La Mort de la Phalène est à la fois le nom dune nouvelle de Virginia Woolf, et le nom du recueil dans lequel la nouvelle a été publiée.
Javais récupéré ce recueil en prévision du voyage, et javais donc commencé ma lecture dés que lennui avait pointé son museau chafouin. Jai commencé à lire la nouvelle quelques dizaines de kilomètres avant larrivée. Je lai lue. Je lair relue. Plusieurs fois. Jai refermé le livre en me disant que je ne pourrais pas lire quelque chose daussi puissant avant longtemps.
En revenant de Paris, je lai lu à nouveau, deux ou trois fois peut-être. A chaque fois que je finissais ma lecture, javais toujours ce même sentiment davoir compris un des grands secrets de la vie, ceux ci même qui nous apparaissent comme des vérités évidentes et quon est toujours incapables dexprimer.
Dans cette nouvelle, le narrateur, ou plutôt la narratrice puisque lon suppose quil sagit de Virginia Woolf elle-même, décrit les derniers instants dune phalène, un petit papillon de nuit possédant une espérance de vie assez ridicule. La phalène est posée sur un carreau de fenêtre, et elle volète dun coin du carreau à lautre, comme le fond les insectes en croyant quils vont pouvoir rejoindre lextérieur. La petite bête donne toute lénergie dont elle dispose a voler de coins en coins, puis la vie dune phalène étant ce quelle est, elle finit par sépuiser, et après un dernier sursaut dénergie, elle meurt.
Ne pas faire un lien avec nos propres vies est difficile. Voilà peut-être pourquoi cette nouvelle ma tant ému, parce quelle réduit une vie qui pourrait être la mienne à quelques minutes occupées stupidement.
Bien sur que lon pense à nos propres vies en la lisant, comme Virginia Woolf a du penser à la sienne en observant cette petite boule de vie séteindre doucement devant ses yeux. La vie qui anime la phalène est la même que celle qui animait Virginia Woolf, qui manime moi, et vous, et mon chat, et les arbres, les poissons, les amibes, et même Paris Hilton.
Dune certaine façon, cette nouvelle nous fait prendre conscience que nous avons peut-être la même vie que cette phalène, peut-être que nous épuisons toute notre énergie à courir a droite et à gauche en espérant que ça nous apportera quelque chose. Ou alors on prend conscience que la vie ce nest que ça, une course ou plutôt une lutte inutile et absurde contre quelque chose qui de toutes façons nous aura, que tôt ou tard, lénergie de la vie sépuise. « Death is stronger than I am ».
Cela peut-paraître triste et pessimiste, et au fond ce nest pas quune apparence. Virginia Woolf ne faisait pas à proprement parler preuve dun optimisme délirant en la vie. Il suffit de lire un peu ses textes, ses lettres ou ses biographies pour sen apercevoir.
Il nempêche que cette nouvelle, qui est à mon sens un des textes les plus poignants que jai pu lire depuis que je suis en âge de lire autre chose que Le Club des 5, porte en elle une des réflexions les plus abouties et les plus concises sur la vie. Même si lon ne partage pas cette vision déprimante, le récit nous amène néanmoins à nous poser certaines questions sur lexistence, sur le sens et sur la valeur quon lui donne, et surtout sur ce que lon en fait.
Je vous somme daller lire ce texte, sauf si vous trouvez que lire des textes un peu difficiles et réfléchir, ça fait ringard, intello et que ça donne mal à la tête, en ce cas, je vous invite à aller vous faire foutre, ça ne vous fera pas de mal. Pour les autres, vous pouvez le lire la nouvelle gratuitement , mais en anglais, ici, et si vous ne maîtrisez pas du tout la langue de nos cousins britanniques, la traduction française du recueil se trouve facilement en librairie, ou bien mieux et moins cher, en bibliothèque. Il y a peu de chance que ça vous rendent plus idiots, ça ne me la pas rendu plus en tout cas.