Nuisibles Urbains N°5: Les gros malpolis à téléphone portable.

Avant de me lancer dans une diatribe haineuse et incohérente digne des meilleurs docteurs de la foi, je tiens à préciser que je ne ferais pas dans les lignes qui suivent le procès du téléphone portable. Car le portable n'est qu'un outil, un moyen supplémentaire pour l'emmerdeur patenté de faire chier ses contemporains. De même qu'une batte de base-ball, un hachoir à viande ou même l'énergie nucléaire, le téléphone portable peut devenir la source de terribles fléaux s'il est placé entre les mains d'individus sournois, malveillants ou à moitié sourds.

Et de même qu'il ne suffit que d'un seul psychopathe et d'un couteau à désosser pour transformer une innocente fête d'étudiants américain en mauvais scénario de film, il suffit d'un seul emmerdeur – où emmerdeuse, ne soyons pas bêtement sexiste et restons courtois envers les femmes qui sont très douées dans la partie – pour taper sur les nerfs de tout les passagers d'un bus. Ajoutons que si le psychopathe n'a pas forcément conscience qu'éviscérer son prochain n'est pas vraiment digne des convenance et de la morale bourgeoise qui fait la renommée de notre beau pays, l'emmerdeur ne sait pas obligatoirement qu'il en est un. Ahaha, je déconne, qui pourrait croire un truc pareil ?

Bien évidemment que cet enculé sait qu'il fait chier tout le monde! C'est ça qui le fait jouir, casser les pieds des gens et leur montrer qu'il a un beau téléphone ! L'emmerdeur high-tech possède carrément une oreillette blue-tooth, il croit sans doute que c'est tendance alors qu'il a juste l'air du premier télé-opérateur venu ou d'un idiot du village, vous savez, celui à qui les enfants jetaient des cailloux parce qu'il parlait tout seul à voix haute. Enfin bref, le gros malpoli à portable est partout, mais il affectionne tout particulièrement, à l'instar du kamikaze, les lieux publics et les transports en commun, où il peut ennuyer un maximum de personnes d'un seul coup. Est-il utile de décrire le gros malpoli à portable ? Si vous n'en avez jamais croisé un seul, c'est que vous en êtes probablement un vous-même.

La démocratisation du téléphone portable a fait qu'il est impossible de dresser un portrait-robot du gros malpoli : il est socialement indéfinissable. Le gros malpoli peut-être, comme déjà expliqué plus haut, un homme ou une femme, âgé de 12 a 70 ans, peut être aussi bien un prolo qu'issu de la classe moyenne ou de la bourgeoisie (on ne rencontre évidemment pas ce dernier cas de figure dans les transports en commun. Par contre, il est très facile de croiser une pouffiasse BCBG déblatérant au téléphone ses malheurs de petite pute trop gâtée à la terrasse de quelque café chic et branché). Le gros malpoli transcende les castes sociales, il fait fi des classifications. Ce qui le distingue, c'est sa volonté de casser les couilles d'autrui.

De même, la démocratisation du portable a fait qu'il est désormais impossible de prendre le bus ou le train, ou bien d'aller picoler tranquillement au café sans qu'un fumier vous fasse partager ses considérations de peigne-cul ou les mésaventures de sa journée de con puisqu'il les hurle dans son téléphone. Est-ce que j'ai vraiment un impérieux besoin de savoir que vous avez acheté une petite robe en solde, mais-si-tu-sais-celle-dans-la-boutique-ou-on-est-allées, qu'il faut penser à prendre le pain en rentant, que vous allez être retard au rendez-vous, vous avez été retenu au bureau, que votre petite-fille est partie en voyage scolaire en Allemagne, halala vous vous inquiétez un peu petit peu, c'est son premier voyage aussi loin sans les parents et on connaît les adolescents, que tu lui manques mais que t'arrives bientôt et que tu es contente de le voir. Non ! Je m'en fous ! Tout le monde s'en fous, hormis quelques maniaques. Mais vos foutus penchants d'exhibitionnistes ou je ne sais quelle pulsion d'invertis vous poussent à faire profiter tout le monde de vos histoires stupides.

C'est peut-être ce dernier point qu'il faut creuser, peut-être qu'à l'instar des bloggueurs, les gros malpolis à portables ont un besoin ontologique de faire connaître leur vie privée comme d'autres ont besoin de montrer leurs parties génitales aux passants pour s'exciter. Ils veulent peut-être que nous témoignions quelque intérêt pour leur vie, que nous les rassurions sur le fait que leur vie est intéressante et bien remplie. Allez savoir. En attendant, il faut supporter leur jérémiades incessantes et leurs anecdotes navrantes. Bien sûr, on aimerait pouvoir les tabasser et leur enfoncer le téléphone dans la trachée, mais c'est soi disant « pas respectueux » des libertés individuelles. Triste pays où l'on ne peut plus bastonner les importuns de sa badine sans risquer des poursuites judiciaires. Alors que l'on ne fait que défendre son droit inaliénable à voyager tranquillement. Et si vous avez le malheur de leur demander de baisser d'un ton, ils vous regardent avec une expression outragée et reprennent leur conversation en tentant de vous faire les gros yeux pour vous faire comprendre qu'on n'interrompt pas une conversation.

La seule solution pour la lui faire fermer est que vous agissiez vous-même comme un gros malpoli, suivant le vieux système qui consiste à combattre le feu par le feu. Faites-tous pour l'ennuyer lors de sa conversation : faites du bruit, toussez bruyamment, faites mine d'écouter sa conversation avec intérêt, regardez-le fixement en souriant. Bref, faites en des caisses pour parasiter sa conversation ou pour le mettre mal à l'aise. C'est en parlant son langage, et par conséquent en venant l'emmerder, que vous court-circuiterez le gros malpoli.

Mais, vous en conviendrez aisément, il serait tellement plus agréable de lui insérer violemment son téléphone dans la gorge ou tout autre cavité – le choix étant à votre discrétion – pour lui faire passer le goût de raconter sa vie à voix haute.

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