Ensemble, découvrons la soul music.

Parmi les faits que je clame à tout bout de champ, il y a celui ci : le hip-hop amène à découvrir une quantité de choses. Le hip-hop a cette manie de piquer des sons ici et là comme un kleptomane dans un magasin de souvenirs. Bien entendu, tous les styles musicaux piquent des sons aux autres, mais le hip-hop ça se voit plus parce qu’il porte une casquette et que sa tronche de racaille banlieusarde attire l’attention. Enfin bref, parmi les sons que le hip-hop ramène dans besace, il y a la soul.

Et c’est ainsi que de nombreux jeunes redécouvrent la soul, grâce à des zoulous comme les membres du Wu Tang Clan. Je fais partie de ces jeunes qui en écoutant du hip-hop se posent la question fatidique qui leur fait mettre le doigt dans un engrenage de quête musicale jusqu’alors insoupçonné : « Mais bon sang, d’où vient ce sample ?». Voilà comment on découvre la musique soul et qu’on ne s’en remets jamais réellement.

Découvrir la musique soul, c’est comme partir chercher de l’or dans une rivière du Yukon. On commence par trouver une petite pépite qui nous pousse à continuer, alors on trouve des paillettes, qui font tout de même bien plaisir, et puis un jour, en secouant son tamis, on s’aperçoit qu’on vient de tomber sur une pépite vraiment énorme. Cette grosse pépite, c’est le morceau que vous écouterez presque en tremblant tellement il vous remue l’âme.
Les moins crétins parmi vous comprendront donc peut-être pourquoi la « musique de l’âme » s’appelle comme cela. Si le rock’n’roll s’adresse directement aux tripes et au bas-ventre, la soul s’adresse directement à notre âme.

Revenons-en à notre métaphore de la pépite. Celui qui trouvera sa première pépite n’aura de cesse d’en découvrir d’autres. C’est comme cela que fonctionnera l’amateur de soul : il ira fureter à droite et à gauche, cherchera une nouvelle chanson qui le remuera à nouveau un grand coup. Et à coup sûr il en trouvera une. L’émotion de ce moment est difficilement explicable. Il sait des les premières notes. Il sait dés qu’il sent ce frisson si spécial lui courir dans le dos et lui donne la chair de poule. D’un coup tout son être n’est plus là, la musique parle à son âme. Le cerveau ne fait plus rien qu’écouter, s’abreuver de la mélodie et du chant, encore et encore. Pendant quelques minutes, il n’y plus rien. Juste une petite conscience perdue dans un univers immence et la musique qui le rassure : « Si tu as peur, serre toi contre moi, tu ne sera plus seul, je suis là ». C’est stupide comme image, mais c’est tout à fait ça. Il n’y a plus dans l’univers que moi et la musique, la matérialité du monde devra patienter pour revenir, elle est tout le temps là, alors elle peut bien me lâcher la grappe pendant deux minutes trente.

Que deviendra notre chercheur de soul music ? Un amateur éclairé ? Un connard pontifiant ? Je ne sais pas quoi répondre, en étant toujours au stade de prospecteur forcené. Tout ce que je sais, c’est que j’ai déjà à cœur de faire partager mes belles pépites. C’est ici que s’arrête l’analogie, la fièvre de la soul music ne poussant pas vraiment à garder nos découvertes cachées dans une cassette enterrée dans le jardin, mais au contraire à faire partager la beauté de ces morceaux. Et c’est ce que je vais faire en vous faisant partager les titres de mes plus belles découvertes, les morceaux qui me font quelque chose là, dans cette entité nébulo-gazeuse dont on ne peut prouver l’existence, logée dans la glande pinéale si j’en crois le gars Descartes, qui selon un abbé que j’ai rencontré dans ma prime jeunesse est marquée d’une tâche noire parce que je ne suis baptisé par l’Eglise Catholique : mon âme. Si jamais j’en ai une, évidemment.

Bien sûr je risque d’en saouler plus d’un (et je commence avec ce jeu de mot), mais comme on ne peut arrêter les gens passionnés de parler quand leur balançant une grand claque sur leurs petites gueules de cons, et qu’il est pour l’instant impossible de le faire par Internet – d’ailleurs, c’est peut-être ce qu’il faudrait développer, une gifle électronique qui consisterait à envoyer une petite décharge électrique par le clavier. Quel plaisir ce serait d’électrocuter des bloggeurs ! – je ne vais pas me priver pour vous donner une liste de cinq morceaux qui me transportent le plus :

Wendy René - After Laughter (Come Tears)
Reuben Bell & The Casanovas – It’s Not That Easy
Carla Thomas – Gee Whiz
Irma Thomas – Get-A-Way
Bettye Lavette – Let Me Down Easy

Bien sûr, il y en a beaucoup d’autres, mais pourquoi gâcher le plaisir de la découverte ? Une fois passée les premiers émois, j’espère que certains feront comme moi. Qu’ils prendront leurs tamis et s’installeront prés de la rivière de la soul music. On pourra toujours y rester, on sera toujours sûr d’y trouver quelque chose qui nous secouera un bon coup la glande pinéale. C’est une sensation qui crée une dépendance. Une fois qu’on a commencé, on cherchera perpétuellement à retrouver cette sensation.

J’ai l’espoir un peu fou d’avoir poussé une ou deux personnes de bon goût à s’intéresser à la soul parmi la horde de lecteurs gougnafiers et mal dégrossis. Alors pour ces deux-là, je dirais « Félicitations, vous rentrez dans le monde merveilleux des gens de bon goût ! Installez-vous c’est très cosy, et on est pas nombreux. Vous voulez un petit massage ? ».
Quant aux autres, et bien, ils peuvent aller se faire téter les yeux par les canards, on ne les retients pas.

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