Nuisibles Urbains N°3 : Les automobilistes.

Tels de gros insectes luisants et vrombissants, les voitures ravagent la ville comme les doryphores ravagent la plantation de pomme de terre de l’honnête paysan. Au volant de leurs gros véhicules motorisés, les mange-bitumes automobilistes se croient les maîtres de la ville, terrorisant l’aimable marcheur jusque dans les plus petites rues. Hélas, il faut plus qu’un bon coup de talon vengeur pour écraser ce genre d’insectes.

Comme le lierre étouffe l’arbre centenaire, les fumées de son tas de ferraille étouffent nos petits poumons délicats. Et, non content d’encrasser à la fois notre système respiratoire et la biosphère, l’automobiliste se permet le luxe de gaspiller nos précieuses réserves de matières fossiles pour des joies simples d’individu fruste et mal dégrossi comme par exemple klaxonner dans les embouteillages ou bien tourner en rond sur des parkings de zone commerciale. L’automobiliste moyen est un véritable abruti qui considère que les rues de la ville lui appartiennent personnellement, il considère en général tout ce qui n’est pas lui-même comme un obstacle au fait de pouvoir rouler tranquillement à tombeaux ouverts, quant au Code de la Route, il s’en soucie comme d’une guigne, car il pense avec la plus grande sincérité qu’il est valable pour les autres – qui sont, contrairement à lui, tous des dangers publics – mais pas pour sa personne.

Tout les individus circulant autrement qu’en auto sur la voie publique s’accorderont pour dire que le conducteur est leur premier prédateur, et qu’en tant qu’être humain pourvu de droit inaliénables comme par exemple celui de rester en vie, il est intolérable d’être menacé de la sorte. Qui n’a jamais failli se faire renverser parce qu’un enculé de bigleux n’avait pas vu le feu passer au rouge ? Quel cycliste n’a pas été à deux doigts de finir dans le fossé parce qu’un apprenti-pilote l’a frôlé à 130 km/h ? Qui n’a jamais été pris à la gorge par les gaz d’échappement lors d’une promenade citadine ? Peu de monde je pense, si ce n’est quelques rustauds de la cambrousse qui ne connaissent que de la ville que les escaliers qui montent et descendent tout seuls.

Parce que nous ne voulons plus étouffer dés que le thermomètre dépasse les 25 degrés, parce que nous ne voulons plus risquer de finir encastrés dans un pare-choc à chaque fois qu’on traverse un carrefour, il serait plus temps d’agir. Oh, bien sûr, j’en connais qui vont trouver mes méthodes un peu trop expéditrices et dignes d’un ayatollah sociopathe, mais dans ce pays où la mollesse et la tiédeur sont de rigueur quand on fait face aux lobbies de l’automobile, faire avancer la société dans le bon sens demande un certain nombre de violents coups de pieds dans la raie du cul.

Réfléchissez un peu, que faudrait-il pour empêcher les voitures de rouler : les immobiliser évidemment. Et pour cela, une multitude de moyens aussi variés qu’illégaux est à notre disposition. On a pu voir récemment quelques agités à capuches mettre au point une méthode particulièrement spectaculaire, mais la technique du pneu crevé est tout de même plus discrète et tout aussi efficace, et elle est plus que simple à mettre en œuvre. Et puis, les plus gauchistes d’entre vous peuvent y voir là un moyen ludique de participer à la lutte des classes en crevant les quatre pneus d’une Audi dernier modèle, et juste un sur la voiture d’un camarade travailleur.

Notez toutefois que je ne vous demande en aucun cas de le faire, bande de foutus cinglés. Je ne suis pas responsable des extrémistes et désaxés qui me lisent. Ou alors évitez de vous faire prendre !
Ah si les pouvoirs locaux étaient un peu plus couillus et n’hésitaient pas à taper du poing sur la table, ils pourraient bannir définitivement ces engins de malheurs de nos rues, et l’on pourrait dés lors se réapproprier ces espaces qui nous appartiennent. Que de joyeuses rondades nous pourrions faire, combien de merveilleux concerts improvisés pourraient avoir lieu, que de grandes discussions au coin des rues nous pourrions partager, si ce n’étaient ces satanées bagnoles. Au lieu de ça, nous devons nous tasser sur des trottoirs, en prenant garde de ne pas glisser par mégarde sur la chaussée où les fous du volant n’hésiteraient pas à nous rouler dessus parce qu’on leur barre le chemin.

Consolons nous en nous disant que, au prix ou va être l’essence dans les mois et les années qui viennent, les voitures perdront peu à peu du terrain. Bientôt, oui, bientôt, nous aurons enfin la joie de pouvoir nous piétiner mutuellement et nous bousculer violemment dans chaque rue de nos villes sans crainte que les voitures le fasse à notre place. J’ai hâte.

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