Nuisibles Urbains. N°2 : Les skateurs.

Il existe maintes et maintes raisons qui peuvent pousser l’honnête citoyen à l’éradication du skateur par divers moyens, car le skateur est pareil au mulot qui ravage les récoltes du modeste paysan, il ravage nos rues et nos places ! Néanmoins, est-il besoin de justifications, quand on savate un skateur, n’est-ce pas pour la sauvegarde de notre pays et de nos valeurs morales ? Non, cela va de soi. En effet, il suffit de poser son regard sur un skateur – quand bien même l’œil en serait tout contrit, pour savoir que c’est le devoir de tout individu soucieux du bien-être citadin et de l’avenir de l’espèce humaine de remettre le skateur dans le droit chemin en lui cassant sa planche sur la tête.

Toutefois, tout le monde n’est pas si soucieux et consciencieux, et les droitsdelhommistes sont toujours prompts à crier au scandale si on porte atteinte à autrui sans raisons valables , quand bien même nos buts sont légitimes. Ainsi, il faut bien, si ce n’est des justifications plausibles, quelques excuses que chacun comprendra.

Tout d’abord, le skateur fait du bruit quand il passe sous mes fenêtres, les roulettes produisent un son type « claclaclaclac » désagréablement amplifié par la réverbérations des ondes sonores sur les murs. On ne dérange pas un être tel que moi dans ses méditations sans encourir de risques. On n’importune pas un membre de l’élite pensante, cela ne se fait pas, et ce manque évident de respect mérite une sévère correction, oh oui, une très sévère et très pénible correction. Et si jamais je tente de m’adresser aux autorités pour tendre quelques filins de métal au travers de ma rue afin que ces maudits skaters se mutilent ou sectionnent divers membres lorsqu’ils rouleront une fois de plus dans ma rue, que me répondront-elles ? Elles me diront que ce n’est pas leur problème. Devrais-je moi même m’abaisser à traquer cette engeance ? Soit, mais je ne le ferais pas de gaieté de cœur. Quoique.

Mais tout le monde n’a pas l’inégalable chance et le bonheur intense d’être moi. C’est pourquoi le skateur est pourvu de tares telles, que n’importe quel individu, même de basse extraction, trouvera de quoi vilipender la canaille sur planche à roulettes.

Tout d’abord, le skateur porte des pantalons trop larges, des cheveux trop longs et bien souvent trop gras, il a trop de bubons acnéiques et pas assez d’hygiène corporelle. Bref, le skateur repousse, sauf bien entendu la skateuse, sorte de poufiasse dark qui tente de ressembler à Avril Lavigne tant sur le plan physique qu’intellectuel. Pouffiasse qui est, par ailleurs, autant de chair fraîche en moins pour les hommes de bon goûts, comme vous et moi, enfin surtout comme moi. Oh bien sûr, il nous serait facile de la butiner à grand coups de trompe, nous avons après tout des besoins primitifs dont l’assouvissement nous pousse à faire fi des conventions, mais je vous le demande, de quoi parlerions-nous après la culbute ? Mais revenons à la question du skateur, et plus spécialement à son accoutrement, évoquant plus le beatnick crasseux que l’individu au fait des choses de l’hygiène corporelle et du bon goût vestimentaire. Ce total mépris des règles tacites de l’habillement évoque bien cette pseudo-rébellion dont le skateur se targuent.

Oui, vous avez bien lu, les skateurs sont des rebelles en puissance. Chacun y va de sa petite démonstration pour montrer la puissance de sa colère et de sa rébellion face à ce système injuste. Celui-ci fera coudre par sa maman un patch « Anarchie » sur son sac à dos Eastpack™, celui-là portera un maillot de corps portant l’inscription « Fuck the system », un autre boira des Kronembourg assis sur le banc devant son école en écoutant de la « musique punk » dans son lecteur mp3, un autre encore montrera son désintérêt des choses matérielles en achetant des chaussures CIRCA a 100 euros la paire, pour les niquer moins d’une semaine plus tard en faisant des figures de skate-board. Nous voilà rassurés, on est très loin de Bakounine, de la bande à Bonnot et des exaltés poseurs de bombes qui terrorisent le bourgeois. Toutefois, n’est-ce pas plus prudent d’étouffer ces velléités anarchistes dans l’œuf ? Et il n’y a rien de mieux pour leur faire passer l’envie de lever le poing que de vous faire passer pour un gauchiste enragé, et de leurs asséner une série de coups de matraque réglementaire sur le coin de la gueule puis brûler leurs planches à roulettes devant leurs yeux en leur susurrant à l’oreille « la prochaine fois, c’est ta famille ». Nul doute qu’il saura désormais respecter l’ordre établi et se tenir à la place qui lui est due.

Comme mentionné succinctement dans les lignes précédentes, le skateur écoute du punk , le plus souvent du « punk mou », plus connu sous le nom de « punk californien ». Si cela n’est pas une déclaration de guerre dans les formes faite au bon goût, permettez-moi de vous demander ce que c’est. Ce genre de fantaisies sonores, je n’ose pas par respect appeler ça de la musique, devrait être interdite à la vente, et les groupes qui s’y adonnent devraient être giflés jusqu’au sang et promettre de ne plus jamais retoucher un instrument sous peine de voir leurs doigts broyés dans un étau. De plus tout auditeur de ce genre de fadaises devrait être livré à la vindicte d’une foule vengeresse composée de mélomanes. C’est en s’attaquant à toutes les faces du problème que cette chienlit disparaîtra.

Ainsi, à l’aide de ces quelques justifications, ou d’autres que vous pourrez certainement trouver de vous-même, la lutte contre ces enragés du bitume pourrait prendre un nouvel essor, nous pourrions de nouveau jouir de nos trottoirs sans craindre d’être percutés par un de ces énergumènes lancés à toute vitesse sur leurs planches. Si chacun met toute sa bonne volonté à traquer et savater le skateur, qui sait si dans 5 ans tout cela ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

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