Bubulle

Le blog de Bubulle, le poisson noir misanthrope et Léviathon.

1/23/2005

Qu'est-ce que manger le capital naturel?

Je ne sais si tout le monde a bien compris cette notion que j'ai déjà utilisée; elle est pourtant essentielle pour comprendre la folie suicidaire de l'humanité. C'est pourquoi je vais l'illustrer par une fable. Non, par des fables.

C'est l'histoire d'un bûcheron qui avait une vie éprouvante. De plus, il est frileux et pense toujours qu'il ne chauffe pas assez sa maison. Mais, un jour, il découvre la scie magique qui lui permet de couper les arbres vingt fois plus vite. Alors il scie, il scie, il ramène plein de bois. Il a de quoi chauffer sa maison, mais il en veut toujours plus, il veut augmenter la température de sa maison, et puis il ne se soucie pas que le rendement de son poële à bois est de plus en plus mauvais...Un jour, il se rend compte qu'il a fini de couper toute la forêt autour de chez lui. Il n'y en a pas d'autres avant des milliers de kilomètres. Alors il meurt de froid.

C'est l'histoire d'un paysan qui annonce à sa femme : "Voilà, j'ai fini la corvée de bois, on aura de quoi se chauffer pour l'hiver"."Bien, bien, Marcel." répond la femme. Le mari reprend : "Et note, cette année, j'ai été malin, je me suis moins fatigué pour la coupe et le transport : j'ai coupé les arbres fruitiers de notre verger juste à côté! C'est qu'il en a dans la tête, le Marcel!_Tu es fou, dis, et qu'est-ce qu'on va manger au printemps prochain'inquiète! T'es pas au courant que nos savants mettent au point des pommiers et poiriers capables de pousser en deux mois d'hiver?_Allons donc, qu'est-ce que c'est que ces salades?_ Fais-moi confiance, pour une fois._J'y crois pas trop à ces histoires."Résultat : au printemps suivant, ils ont dû manger leurs enfants. Pareil dans tout le pays. Et les chercheurs aussi; ils meurent de faim bien avant d'avoir trouvé l'invention miracle.Il est à noter que cette histoire est complétement invraisemblable, tant il est vrai que les paysans ont gardé ce qu'on appelle un bon sens populaire qui leur fera garder un peu de méfiance vis-à-vis des informations sur la recherche. Il est d'ailleurs étrange de constater que ce qu'inviduellement personne ne ferait (manger son capital sans se soucier du lendemain) est accompli allègrement par la collectivité, et très peu s'en tracassent.

C'est l'histoire d'un ouvrier, appellons-le Rupert, qui travaillait dur. Un jour, il découvre un héritage énorme. Sa vie s'en trouve adoucie. Il s'achète une grande maison. Il devient cocaïnomane. Il augmente de jour en jour sa consommation et son train de vie qui devinrent démentiels.Un jour, son banquier vient le voir pour luis expliquer qu'à ce rythme, il n'y en a plus pour longtemps, son compte sera à découvert. Rupert lui répond alors : "Voyez le cheval là-bas. Il est très fort. Je l'ai appelé Science Ultime. Il m'a déjà permis de gagner beaucoup d'argent dans les courses de Longchamp. Il est tellement fantastique qu'il n'y a pas de doute qu'un jour, je trouverai sous son sabot un pactole des milliers de fois plus importants que l'héritage que je touchai il y a quelques années."Le banquier s'en va dépité.Finalement, quelques mois plus tard, avant qu'on ait trouvé le pactole sous le sabot du cheval, l'héritage fut épuisé. Rupert, ne pouvant plus acheter sa cocaïne, ses organes habitués et son cerveau dépendant se détériorèrent rapidement. Rupert mourut dans les atroces souffrances de la privation.

C'est l'histoire (authentique cette fois) d'une île de l'océan pacifique nommé Nauru dans laquelle on a un jour découvert du phosphore, présent du fait de l'accumulation d'excréments d'oiseaux prendant des milliers d'années. Le phosphore est extrait en masse (par des travailleurs immigrés) et est exporté pour faire des engrais. Les exportations génèrent d'importants revenus. Les habitants s'enrichissent sans travailler et atteignent un niveau de vie comparable à celui de référence d'un européen moyen.Ici, je ne crois pas que quelqu'un s'alarme : les habitants de l'île sont devenus obèses et complètement apathiques à manger sucré en regardant la télé à longueur de journée. Et à partir d'un moment, le gisement s'épuise, l'extraction de phosphore décroît à une vitesse vertigineuse. Plus moyen de revenir à l'agriculture, la mine a saccagé la terre. L'état devient surendetté et fera peut-être l'objet de la première faillite d'un pays dans l'histoire. C'est à suivre en ce moment.

C'est l'histoire (authentique aussi) des pêcheurs japonnais. Dans les années 50, ils avaient du poisson à profusion : en gros, on tendait un filet, il se remplissait tout seul. Depuis lors, la population des japonnais a un peu augmenté. Et les techniques de pêche ont fait des avancées fantastiques : les moyens mis en oeuvre pour la pêche sont aujourd'hui dix fois plus importants qu'il y a 50 ans. Sauf que que la quantité de poissons récoltée n'est pas plus importante aujourd'hui. L'amélioration des techniques n'a permis qu'à racler toujours plus les fonds. Sauf qu'à la fin, il n'y aura plus rien : on peut pas racler indéfiniment (essayez avec un pot de yaourt).

C'est l'histoire de l'humanité (du moins, son quart le plus "riche") qui découvre le secret de l'extraction, du raffinage et de l'utilisation du pétrole. Alors elle se met à extraire le plus possible de ce fluide. Elle s'imagine ne jamais avoir assez pour son bonheur d'énergie, de routes, d'avions, de bibelots, et continue de contruire des routes, des puits de pétrole, et de faire voler de plus en plus d'avions...Quelques voix s'élèvent en son sein : "Mais, c'est démentiel de puiser ainsi dans un capital ses revevus. Faisons décroître ce puisage, de notre gré, avant que cela ne soit fait de force et dans la panique". D'autres voix très confiantes, bien plus nombreuses, leur répondent : "Quels ennemis du progrès intégristes et forcenés avons-nous là! Il est bien clair que les stocks sont bien plus importants que l'affirment. Et puis c'est très simple : la Science trouvera sans problème un moyen de remplacement du pétrole, la Science a toujours trouvé..."Les voix des catastrophistes reprennent, dans le vide...
Moi, faites comme si j'avais rien dit de ces fables(comme d'habitude d'ailleurs). Je vais bien rigoler à la chute de cette dernière histoire.